CAMPAGNE NATIONALE POUR UN MORATOIRE D’AU MOINS 5 ANS SUR LES ACCORDS INTERNATIONAUX

Port-au-Prince, 17 Février 2011

Mise en contexte
Le 12 janvier 2010, trois départements (Ouest, Sud-est, Nippes) du pays ont été frappés directement par un puissant séisme de magnitude 7.3 sur l’échelle de Ritcher causant d’énormes dégâts tant sur le plan humain, social, économique, culturel, mais aussi et pas des moindres sur le plan psychologique. Cependant les conséquences catastrophiques de ce phénomène naturel se sont rapidement fait sentir au niveau national par le déplacement de près d’un (1) million de personnes, en majorité vers les départements de l’Artibonite, du Centre, du Nord, du Nord-est, du Sud. En même temps, au niveau de la Capitale près d’un million d’autres vivent dans des conditions très précaires aggravant ainsi les conditions matérielles d’existence des masses populaires. Ajouter à cela, Haïti connaît une occupation militaire des puissances impérialistes à travers la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTHA) qui, jumelée avec la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), dirigée par l’ancien Président étatsunien, Bill Clinton, ont reçu de l’Assemblée Générale de l’ONU, de diriger et orienter les politiques économiques et sociales du pays. Cette situation montre qu’il y a nécessité de repenser l’Etat haïtien, de l’autodétermination du pays et de revisiter la question des politiques publiques et de l’accessibilité des populations aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (DESC).

Le mouvement social populaire est unanime à reconnaitre que la catastrophe est le résultat d’un processus socio-historique dont les principales caractéristiques sont l’exclusion, l’injustice et les inégalités sociales, aggravé par trois décennies d’application du néolibéralisme. Alors que la situation des victimes et déplacés tend à s’empirer, les plans des puissances impérialistes d’utiliser le pays comme paradis pour les zones franches vont bon train et l’économie haïtienne continue à faire les frais des mauvaises politiques publiques empêchant toute structuration des secteurs de production et la mise en place de politiques publiques viables dans le pays. En raison des politiques économiques dictées par les Institutions financières internationales (Banque Mondiale, FMI, BID, etc.), et les accords de libre-échange qui paupérisent l’économie du pays en particulier l’agriculture paysanne qui couvre plus de 80% des activités économiques dans le pays, nous sommes aujourd’hui le pays vivant dans l’extrême pauvreté prêtant le flanc à d’autres catastrophes de ce genre. A noter que le processus de paupérisation de l’économie haïtienne tel que nous le vivons aujourd’hui a démarré sous la dictature des Duvalier notamment sous les gouvernes de Jean Claude Duvalier qui s’est autorisé à faire une prétendue révolution économique dont les éléments centraux ont été la subalternisation de l’économie du pays à l’impérialisme en déstructurant l’économie paysanne par l’abatage des cochons créoles et libéralisant, de manière outrancière, toute l’économie du pays sous prétexte d’intégration du pays dans l’économie régionale et mondiale. Ce processus á été accéléré sous les régimes militaires et les autres régimes à vernis démocratiques qui n’ont en rien ébranlé les structures oligarchiques, injustes et inégalitaires qui caractérisent la formation sociale haïtienne.
Au lendemain du séisme, l’ensemble des organisations du mouvement social ont repris l’une des recommandations autour de laquelle elles se battent depuis plusieurs années exigeant la rupture d’avec le système et d’avec les politiques néolibérales qui ont fait leurs preuves pendant les 40 dernières années notamment les vagues de libéralisation du début des années 80 (1982-1987), 90 (1994-1997) et de la décennie 2000-2010 marquée par l’application aveugle des politiques publiques calquées sur les programme d’ajustement structurel. Ainsi, plusieurs organisations du mouvement social haïtien se sont regroupées dans le but de lancer une campagne pour un« moratoire » d’au moins 5 ans sur les accords de libéralisation commerciale et la mise en place d’une politique économique et sociale en dehors de la logique du marché et des politiques d’ajustement structurel.

Cette première phase de la Campagne s’étend sur une période de dix (10) mois, soit de Janvier à Octobre 2011.

Les Objectifs de la Campagne

L’objectif principal de la campagne est d’exiger à l’État haïtien à solliciter et à obtenir des Parties un Moratoire d’au moins cinq (5) ans sur les accords de libéralisation commerciale tout en plaidant pour la mise en place des politiques publiques visant à renforcer les capacités du pays pour renégocier ces accords au profit de son développement économique et social et une intégration réelle. De cet objectif global découlent d’autres objectifs plus spécifiques :

1- Vulgariser les contenus de ces accords et montrer leurs conséquences et implications pour le pays en général et pour les classes défavorisées en particulier ;
2- Montrer le caractère illégitime et illégal de ces accords eu égard aux lois haïtiennes, à la constitution et aux conventions internationales relatives aux droits humains en particulier les DESC ;
3- Forcer l’État haïtien à ratifier le Pacte International relatif aux Droits économiques, Sociaux et Culturels(PIDESC) ;
4- Contribuer au renforcement des luttes populaires en faveur de politiques publiques alternatives en Haïti ;
5- Proposer et promouvoir des éléments de politiques publiques alternatives
6- Connecter notre plaidoyer aux mobilisations et aux mouvements du même genre aux niveaux régional et international ;
7- Contribuer au changement des paradigmes de coopération internationale axés sur la logique de marché et des politiques d’ajustement structurel ; et

Les résultats attendus

– Haïti cesse de participer aux négociations dans le cadre du cycle de Doha (OMC), en panne de consensus pour pouvoir définir des politiques économiques et sociales capables de lui permettre de participe aux processus d’intégration
– Le gouvernement haïtien analyse en profondeur les Accords de Partenariat Economique (APE) avec l’UE et renégocie les termes en rapport avec les politiques de développement national
– Haïti obtient un moratoire sur les versements au titre du Service de la Dette aux Institutions Financières Internationales (IFI) et que ces fonds soient réinvestis dans la mise en place de structures et d’infrastructures économiques et sociales pour faciliter l’accès aux DESC par les populations.
– L’Etat haïtien et Parlement ratifient le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC)
– L’Etat haïtien engage le processus d’élaboration de politiques publiques viables avec toutes les couches de la population haïtienne en vue de renforcer les capacités du pays à participer aux processus d’intégration au niveau régional et mondial de façon souveraine.

Les principales activités

Les activités majeures de la campagne seront de plusieurs ordres dont :

1) formation, d’information, de sensibilisation, de mobilisation avec la participation de groupes d’artistes, intellectuels, musiciens haïtiens
2) plaidoyer avec pour cibles principales : le Gouvernement haïtien, le Parlement haïtien, les Institutions internationales et régionales
3) proposition d’alternatives et recommandations quant aux politiques publiques à définir et/ou adopter dans le pays et la mise en place des structures nécessaires
4) des manifestations pacifiques, des sit-in, et activités socioculturelles, etc.

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